Toute la lumière que nous ne pouvons voir, roman d’Anthony Doerr

C’est le Prix Pullitzer 2015, rien de moins ! Lorsque j’ai entendu parler de ce roman sur le site des éditions Albin Michel, j’ai tout de suite été intriguée par son sujet : la Seconde Guerre mondiale, à Saint-Malo, vue par un américain qui ne l’a pas vécu. Mais surtout, l’histoire de deux personnages pris dans le cours de la grande histoire. Il y a là matière à un bon livre. Mais plus fort qu’un bon livre, Anthony Doerr réussit avec Toute la lumière que nous ne pouvons voir à signer un grand roman.

L’histoire commence à la veille du bombardement de Saint-Malo par les troupes alliées. Nous sommes le 7 août 1944, et des tracts avertissent la population qu’elle doit fuir la ville. Mais comment fuir quand on est menacé de toute part ? Dans une maison, une jeune aveugle, Marie-Laure, est complètement isolée, et elle s’enferme dans la maison dans l’espoir de survivre à l’attaque. Plus loin, dans un hôtel, un jeune allemand du nom de Werner se trouve avec d’autres soldats : avec sa radio, il est chargé de débusquer les ondes envoyées par des français résistants qui font passer des informations grâce à des radios pirates. Lorsque les bombes pleuvent sur la ville, ils se retrouvent chacun de leur côté pris sous les décombres, dans l’oeil du cyclone. Comment en sont-ils arrivés là ?

Ce roman est presque aussi haletant qu’une histoire policière car il se construit sur deux périodes temporelles : on découvre d’abord ce qui se passe durant le bombardement de Saint-Malo, puis on repart en arrière, à la fin des années 1930, pour découvrir l’enfance de Marie-Laure et de Werner, ce qui leur est arrivé lorsque la guerre a éclaté, comment ils se sont tous les deux retrouvés à Saint-Malo au moment du bombardement. A travers ces deux personnages, on redécouvre les événements marquants de la Seconde Guerre mondiale : le fanatisme qui gagne du terrain en Allemagne, la propagande qui se met en place, et du côté français, pendant l’occupation, on voit bien de quelle manière la peur s’installe, la suspicion devient une règle de survie.

La dimension historique est très présente dans ce roman, et c’est ce qui lui donne son intensité. Mais l’intérêt essentiel du livre réside dans les deux portraits de Marie-Laure et de Werner. Ils sont jeunes mais n’ont jamais été insouciants. Elle est aveugle, il est orphelin, et très tôt la réalité de la vie les a rattraper. Chacun à sa manière doit apprendre à être fort pour survivre. Ils ne sont pas des héros pour autant : juste des personnes qui tentent de s’en sortir au beau milieu du chaos. L’Histoire en marche les rattrape quoiqu’ils fassent. Ils sont des fourmis à l’échelle de l’Histoire, pourtant leur destin importe au lecteur. Ce qui est très bien réussi dans ce roman, c’est qu’Anthony Doerr parvient à raconter deux histoires très intimes, la vie de deux personnes presque anodines. Il donne à la Seconde Guerre mondiale un visage humain : celui de tous les êtres qui ont été broyés.

En plus de toutes ces qualités, ce roman offre aussi un élément de suspens très intéressant et surprenant : celui d’une chasse au diamant. Car en parallèle de l’histoire de Werner et Marie-Laure, on découvre aussi la quête d’un officier nazi dont la mission est de collecter les plus grands trésors des pays soumis. Et son but ultime est de mettre la main sur un diamant mystérieux. Y a-t-il un rapport avec nos deux personnages ? Suspens…

J’ai vraiment adoré ce livre. Et malgré que ce soit un pavé de plus de 600 pages, il se dévore très rapidement grâce à ses chapitres courts et passionnants. Anthony Doerr alterne les points de vue de Marie-Laure, de Werner et de l’officier nazi, ce qui donne beaucoup de rythme à l’ensemble. On ne s’ennuie pas une seconde, et on ne peut pas rester insensible à cette superbe histoire, totalement maîtrisée par un auteur bien inspiré. Anthony Doerr n’a pas seulement un formidable talent de conteur, il sait aussi sonder l’âme humaine, la dévoiler avec tact et ainsi offrir à ses lecteurs un roman comme on n’en croise pas souvent.

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