La Ferme des animaux : George Orwell joue à La Fontaine

La-ferme-des-animauxC’est un petit livre de pas beaucoup de pages, et ce qui est certain, c’est que La Ferme des animaux n’est pas l’œuvre la plus connue de son auteur, George Orwell. Le père du roman 1984 est entré dans l’histoire de la littérature comme l’un des maîtres du roman d’anticipation, mais au-delà de ses liens avec la science-fiction, Orwell est surtout l’un des auteurs du XXe siècle qui a le mieux parlé du totalitarisme. Et justement, La Ferme des animaux, publié en 1945 au sortir de la Seconde Guerre mondiale, traite de ce sujet d’une manière originale : par la fable, en donnant l’occasion aux animaux d’une ferme de s’émanciper.

Ce petit livre s’apparente à une nouvelle : un exercice de style brodé sur une idée originale et pertinente. Un fermier, Jones, se voit un beau jour chassé de sa ferme par les ses propres animaux. Ces derniers se rebellent car ils ne supportent plus les conditions de travail, pensent qu’ils méritent mieux et veulent vivre libres du contrôle des hommes. Les « deux-pattes » déguerpissent vite, et leur absence laisse la place à une nouvelle organisation. Les animaux apprennent à lire, à effectuer les tâches que faisaient les hommes, et s’organisent en autosuffisance, dans un régime où tous les animaux sont égaux. Une liberté qui est la promesse de meilleures conditions de vie, jusqu’à ce que les cochons (les animaux les plus intelligents) commencent à prendre des décisions qui vont à l’encontre de ces règles. Au fil des mois, les cochons deviennent les nouveaux maîtres et s’arrogent le pouvoir sans que les autres animaux ne fassent rien pour les en empêcher. Les rares animaux qui osent se dresser contre Napoléon, le meneur des cochons, sont sévèrement punis, chassés ou même tués.

Cette histoire n’est pas très longue, et pourtant elle est relativement dense. Au bout de quelques pages, le lecteur (particulièrement le lecteur français) commence à saisir le parallèle que George Orwell dresse entre les animaux et la Révolution Française. Un peuple se soulève car il veut se défaire des entraves dans lesquelles on l’a asservi pendant longtemps. Mais le chemin de sa liberté l’amène en fait à trouver une autre servitude, avec des phases encore plus cruelles que le précédent régime.

De nombreux parallèles font ainsi revivre les épisodes les plus difficiles de la Révolution française, et à travers eux, c’est aussi une manière d’appréhender l’horreur de la Seconde Guerre mondiale. Car derrière la figure de « sauveur » qui prend le contrôle, c’est bien sûr la dictature que Orwell pointe du doigt. Les dérives du système sont toujours possibles car il y aura toujours des gens qui profiteront des périodes de troubles pour servir leurs intérêts personnels.

Autant George Orwell est très lucide et très critique sur la manière dont les régimes totalitaires se mettent en place, sur leur discours et sur leurs méthodes d’intimidation, autant il est aussi très critique envers la population qui laisse faire. Ce qui semble incroyable (mais qui est pourtant vrai), c’est que le seuil de tolérance d’une société est très élevé. Les individus sont prêts à supporter beaucoup de choses avant d’en venir à se rebeller. Et c’est aussi cette passivité que George Orwell dénonce dans cette histoire. L’aspect le plus cruel de cette fable politique, c’est sans doute ceci : le plus grand nombre se résigne tandis qu’une poignée d’individus fait ce qui lui chante.

Cette histoire est courte mais dense. En peu de pages, George Orwell arrive à aborder beaucoup d’idées, à faire passer un message fort, et à amener le lecteur à une vraie réflexion sur les principes qui fondent une société. En cela, j’ai trouvé ce livre extrêmement puissant et bien mené. En revanche, je pense que la fable aurait gagné à être un peu plus courte car l’idée originale d’utiliser les animaux pour la métaphore de la société humaine s’use assez vite. Il reste tout de même que ce livre est à lire absolument. C’est une lecture qui fait réfléchir : une bonne lecture en somme !

2 réflexions sur “La Ferme des animaux : George Orwell joue à La Fontaine

  1. Catherine dit :

    Je l’ai lu il n’y a pas longtemps ( mon article est toujours en brouillon dans mon blog). Moi aussi je l’ai trouvé fort ce texte, tres intelligent mais comme toi autant c’est un texte court autant il aurait pu l’être encore plus.

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